Bonjour à tous petits malandrins !
Aujourd'hui, comme ça fait au moins deux semaines que je n'ai plus fait d'exposés et que je suis en manque de rédaction, je me suis dit que j'allais vous parler de ce qui me fascine le plus avec l'Histoire du Japon. Vous savez que j'aime l'Histoire du Japon n'est-ce pas ? Et vous savez que j'aime la littérature japonaise ? Ça tombe bien parce qu'un grand sage a dit un jour : « Si vous ne parvenez pas à choisir parmi deux passions, réunissez-les ! ». Qui a dit ça ? Sans doute personne, mais c'est toujours bien d'étayer son propre propos par un propos extérieur. C'est ainsi que je vais vous parler de ma passion qui réunit mes deux passions : les romans historiques japonais. Procédons par étape.
Qu'est-ce qu'un roman historique ?
Tout d'abord, en ce qui concerne le roman historique japonais, il faut savoir qu'il y a deux autres genres romanesques qui en sont très proches et que quand j'utilise le terme de « roman historique » dans un cadre officieux tel que celui-ci, je désigne la plupart du temps également ces deux autres genres, présentons donc ces trois genres.
Le roman de cape et d'épée (Ninpô shôsetsu)
Il s'agit d'un roman populaire se situant à une époque antérieure (souvent l'époque des contrées en guerre ou le début de l'époque Edo) mettant en scène des ninja, des combats magiques, rocambolesques et spectaculaires. Ces romans sont parfois très violents, teintés de thématiques très sombres.
On citera en exemple Yagyû ninpôchô (les manuscrits ninja) de Yamada Futarô qui met en scène Yagyû Jûbei qui formera un groupe de nonnes pour qu'elles accomplissent leur vengeance sur un daimyô diabolique ayant massacré un bon nombre de leurs consœurs au début du roman.
Yamada Futarô (1922-2001)
Le roman d'époque (Jidai shôsetsu)
Il s'agit d'un roman dont le cadre temporel de l'intrigue se situe à une époque antérieure en respectant tant que possible les habitus, normes et valeurs de l'époque en question. L'intrigue ainsi que les personnages peuvent être purement fictives. Ce sont en général des romans très intéressants car ils permettent un dépaysement du lecteur dans le sens où il est confronté à des normes d'une autre époque, étant souvent très éloignées des siennes.
On citera en exemple la nouvelle intitulée Les brasiers de Inoue Yasushi qui met en scène un soldat vaincu nu portant uniquement une ceinture rouge au landemain de la bataille de Nagashino en 1575, bataille où les fusiliers du clan Oda remportèrent une écrasante victoire sur la cavalerie des Takeda. Nous assistons au travers du regard de cet homme à une observation sur le ridicule de la guerre et de sa dimension technologique.
Inoue Yasushi (1907-1991)
Le roman historique (Rekishi shôsetsu)
Il s'agit d'un roman dont le cadre temporel et l'intrigue se situent à une époque antérieure. Contrairement au roman d'époque, les personnages et les événements doivent être réels et historiquement avérés. Toutefois, la mise en scène romanesque nécessaire pour captiver le lecteur tend bien entendu à glisser une part de fiction dans le roman historique, ainsi donc, le genre souffre d'une définition qui manque encore de clarté à l'heure actuelle, du fait d'une oscillation constante entre Histoire et fiction.
On citera en exemple le roman Shinshi Taikôki (Hideyoshi, seigneur singe) de Shiba Ryôtarô qui est un récit de vie du second unificateur Toyotomi Hideyoshi, de son enfance dans les monastères à son ascension à la tête du pouvoir effectif du pays.
Shiba Ryôtarô (1923-1996)
Maintenant que ces trois genres ont été plus ou moins définis, nous allons pouvoir passer à une analyse un peu plus en profondeur à travers quelques questions que je juge intéressantes sur le sujet.
Roman historique : divertissement ou apprentissage par vulgarisation ?
Lorsque j'ai choisi d'étudier Shiba Ryôtarô pour mon mémoire de master, je me suis heurté au problème suivant : selon un de mes professeurs, il n'était pas possible d'étudier Shiba dans le cadre de la littérature car il ne respectait pas les canons de la littérature pure et ses textes s'approchaient plus d'une vulgarisation historique. Ce qui m'amène à la question suivante : lit-on un roman historique pour se divertir ou pour se cultiver ? Premièrement, il convient de dire qu'il n'est pas pertinent de systématiquement séparer les deux dans le sens où l’apprentissage et le divertissement peuvent être liés mais la question reste à mon sens pertinente dans le cas du roman historique. Il est en effet évident qu'on ne lit pas un roman historique comme on lit un simple roman d'aventure. (bien que cela puisse être le cas pour un roman de cape et d'épée) Je pense qu'un désir d'acquisition de connaissances motive bien souvent la lecture d'un roman historique que ce soit par l’apprentissage d'un épisode de l'Histoire à travers un roman historique ou du cadre plus général d'une époque dans un roman d'époque. Toutefois, il est nécessaire de savoir prendre une certaine distance par rapport à ce que l'on lit.
Peut-on réellement apprendre via un roman historique ou un roman d'époque ?
Il est évident que l'on peut acquérir une certaine connaissance générale à travers ces lectures mais il est nécessaire de savoir faire la part d'Histoire avérée et de mise en scène romanesque dans ce cas. En effet, les romans historiques regorgent de faits anecdotiques qui semblent parfois bien réels mais il faut se dire que si une anecdote est trop précise, en particulier lorsqu'il s'agit d'une époque lointaine, c'est qu'il s'agit d'une invention de l'auteur. En d'autres termes, je déconseille vivement aux personnes trop crédules de rechercher l'apprentissage de l'Histoire par la fiction. (et cela vaut aussi pour les médias autre que le média littéraire)
Toutefois, le principal bienfait du roman historique par rapport à la culture du lecteur est, à mon sens, moins l'acquisition d'un savoir que l'encouragement à acquérir ce dernier. En d'autres termes, à travers la lecture du roman historique, le lecteur peut être amené à mener des recherches pour en savoir plus parce que l'époque présentée lui aura paru intéressante ou pour vérifier la véracité des éléments qui lui ont été présentés. Ainsi donc, il y a un réel bénéfice sur le plan des connaissances par le biais de ce genre mais qui demande un certain investissement de la part du lecteur. Pour ma part, ayant à la base lu des romans historiques pour m'approprier l'époque Azuchi-Momoyama dans une optique purement en rapport à l'Histoire, j'ai fini par me passionner pour le roman historique, c'est donc en quelque sorte le procédé inverse qui s'est crée : déjà passionné par le contenu, je me suis passionné pour le contenant.
N'est-ce le cas que pour la littérature ?
Evidemment, la réponse est non et c'est d'ailleurs pour ça que je voulais vous poster ce sujet. À mon sens, cette question de l'apprentissage par la fiction peut s'étendre à tous les médias et je pense que dans le cas du manga, ceci nécessite encore plus de précaution et ceci pour plusieurs raisons.
Nous sommes dans le cas du manga, face à un média qui utilise l'image et peut donc marquer avec plus d'impact l'imaginaire du public. À noter que ceci est encore plus vrai pour le cinéma qui nous place devant un jeu d'acteurs au lieu d'un dessin, renforçant par la même l'immersion du public et bridant d'autant plus l'éventail d'images qu'il pourra se faire d'une époque ou d'une histoire par rapport à la littérature.
Prenons un exemple : The Last Samurai de Tom Cruise est un film bourré d'anachronismes qui fait que beaucoup de gens croient réellement que les samouraïs étaient encore en armure et se battaient au sabre au XIXème siècle.
De plus, pour revenir au cas du manga, l'impact sur l'imaginaire par rapport au Japon sur notre génération est beaucoup plus puissant que l'impact de la littérature. Ainsi donc, si l'on manque de recul, nous risquons d'être témoins d'une génération infestée de connaissances erronées par rapport à l'Histoire du soleil levant.
En guise de conclusion, je ne peux donc que vous conseiller d'être attentifs lorsque vous chercher à acquérir des connaissances par la fiction mais si vous savez prendre cette distance, je vous recommande vivement la lecture de romans historiques japonais car ce pan de la littérature japonaise est véritablement aussi riche qu'intéressant.
Toutes images prises sur Babelio.com
Modifié par Hikari, 25 mai 2015 - 22:33.